Interview de JobYourself

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« Après avoir téléphoné, on raccroche, mais sur Internet c’est tout le temps décroché. Ce qui est dangereux, c’est qu’on ne s’en rend pas compte. »

Interview Jean Olivier Collinet / JobYourself from Média Animation asbl on Vimeo.

Jean-Olivier Collinet est administrateur délégué chez JobYourself, une structure d’aide aux futurs indépendants à Bruxelles.

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Jean Olivier Collinet, à quel titre vous êtes-vous intéressé à la pollution digitale ?

Comme beaucoup de gens ces derniers mois, avec le Covid, j’ai fait pas mal de vidéos-conférences, et je recevais des notifications qui m’avertissaient de ma diminution de capacité de stockage au fur et à mesure des conférences. Jusque là, je me disais : chouette, je fais du télétravail, je ne prends pas ma voiture, je ne pollue pas, mais au fond quel est l’impact de ce télétravail ? Je me suis rendu compte qu’en laissant plus de 30.000 mails en archive dans ma boîte, je pollue plus qu’en venant en voiture au travail en faisant mes 13 kilomètres par jour. Dans mon entreprise, on est près de 50, et je me suis dit qu’on pourrait faire notre petit pas contre la pollution digitale. J’ai enquêté, et je peux vous assurer que j’en ai appris des belles.

Quand vous en avez parlé à vos collaborateurs, cela les a-t-il surpris ?

Totalement ! J’ai demandé à mes collaborateurs combien de mails ils avaient en archives, j’ai fait une addition, et je suis arrivé au résultat qu’on doit dépasser le million de mails stockés. Un mail émet 19 grammes de CO2 à l’envoi.

Il y a les mails, et puis il y a l’équipement aussi…

En effet, si vous additionnez votre PC au bureau, votre smartphone, éventuellement une tablette, et une montre connectée, c’est énormément de données qui sont générées en permanence, et qui consomment de l’énergie. En France, sur le volume total de toute l’électricité consommée dans le pays, 10% sont utilisés par les « data centers », les centres de données qui stockent vos données, mails, photos Instagram, vidéos de vacances… En Belgique, on est à 7%.

En écoutant votre interview à la radio, je me suis rendu compte d’une évidence : je continue à consommer des données en laissant plein d’onglets ouverts sur mon navigateur : mon ordi est connecté à des sites en permanence.

Les navigateurs sont souvent comme des chambres mal rangées, avec des tas d’onglets ouverts, ça rassure d’avoir l’information, mais on génère du trafic, on génère des données, c’est comme si vous laissiez votre GSM allumé en permanence. Après avoir téléphoné, on raccroche, mais sur Internet c’est tout le temps décroché. Ce qui est dangereux, c’est qu’on ne s’en rend pas compte. Ce matin, j’étais sur une terrasse, une camionnette stationnait devant moi moteur allumé et j’avais cette odeur d’échappement. Et je me suis dit : lui, il pollue. Mais quand on travaille sur notre PC, il ne sent pas mauvais et on ne perçoit pas notre pollution digitale. Le nuage est très gris mais on ne le voit pas. 73% des Belges n’ont aucune connaissance de leur pollution digitale.

Après le constat, il faut agir. Quelles sont vos recommandations ? Ne plus envoyer de mail ?

Un, prendre conscience des conséquences de son activité numérique, au travail ou en privé, et faire le tri entre l’utile et le « ça peut toujours servir ». On peut déjà diminuer la pollution active de son PC de 70%. Deux, avoir les bons réflexes. Ne plus utiliser tous ses outils digitaux en même temps, ne plus avoir 15 onglets ouverts, ne plus envoyer de mail avec 20 personnes en copie pour rassurer tout le monde et faire des « répondre à tous ». Désabonnez-vous de toutes les newsletters que vous n’ouvrez jamais : vous dépolluez votre PC et vous nettoyez votre cerveau d’informations inutiles. Il y a aussi des applications, comme CleanFox, qui nettoyent votre PC de tout ce qui dort. Vous polluez moins et votre PC regagne en performance.

Vous qui êtes en contact avec des jeunes entrepreneurs, avez-vous l’impression que la jeune génération est plus consciente de son impact numérique ?

Chez les entrepreneurs tech de moins de 25 ans, c’est quasi dans leur ADN. Là où ma génération veut des sites web rapides et visibles, leur génération veut des sites légers, économes en énergie. Cela commence par là.

Infos: http://jobyourself.be/