Jean Deydier, fondateur de We Tech Care
QUESTION – Votre mission, c’est l’inclusion numérique, qu’est-ce que cela recouvre ?
Jean Deydier – Notre mission est de faire en sorte que le numérique offre des opportunités à tous et donc y compris à des publics qui ont moins d’aisance ou qui en sont exclus.
Q – Il y a des services dont l’accès est aujourd’hui exclusivement possible en ligne. On parle même d’e-citoyenneté. Et pour l’accès à ces services de base, on se rend compte qu’en fait la difficulté touche toutes les tranches de la population.
JD – Complètement ! D’ailleurs j’aime de moins en moins ce terme d’exclusion numérique car il s’agit d’usages de notre vie quotidienne qui sont rattachés à des sujets essentiels comme le logement, la santé, l’insertion professionnelle, le juridique. Le numérique est tellement partout dans le quotidien qu’il s’agit en fait d’aider les gens à intégrer ce nouveau canal d’interaction. Ce n’est pas uniquement une question d’accès à Internet, ce n’est pas non plus une question d’avoir le bon équipement, un bon ordinateur ou un ordinateur récent avec des logiciels qui tournent sur la plupart des services en ligne, c’est aussi une question de culture du numérique.
C’est-à-dire que si vous n’êtes pas familier avec l’environnement des services publics, faute d’être très bon sur le numérique, vous serez coupé des services numériques du service public.
L’évolution du service public sur le numérique permet une personnalisation du dialogue, et la création de services nouveaux. Mais tout ça évidemment repose sur la connaissance et au-delà sur la maîtrise d’un changement de culture aussi, c’est-à-dire qu’on se retrouve seul pour effectuer des actes notamment relatifs à son budget , ou quand il s’agit de signer des contrats en ligne, qui peuvent avoir un gros impact sur votre capacité financière au quotidien.
Q – Vous parlez de services essentiels notamment d’ e-santé. Est ce qu’on peut à terme avoir un risque de décrochage en terme de santé? Parce qu’il y aurait des publics qui seraient plus largués ou déconnectés que d’autres?
JD – On voit aujourd’hui qu’il y a de déserts médicaux. Pour y remédier, il existe de plus en plus de services qui vous permettent de vous relier à distance à un médecin. Aujourd’hui, la télémédecine est quelque chose qui se déploie très vite et qui a été notamment très utilisée pendant cette période de confinement. Mais cela repose sur cette connaissance, cette capacité, cette confiance aussi, en un mot cette autonomie numérique.
Q – Vu votre rôle d’observateur de terrain, quelles sont vos raisons de rester optimiste par rapport aux lacunes du numérique dans la population ?
JD – Quand on travaille dans le social, on travaille sur le développement de l’autonomie des personnes. Et la révolution numérique, c’est aussi une révolution d’autonomie, d’accès à l’information, d’accès à la formation, de capacité de tisser des liens à distance. Le numérique, c’est un 360° de la vie, il offre des perspectives uniques. On n’est pas non plus complètement naïfs mais très concrètement, on voit de très belles choses sur le terrain, avec des publics seniors qui n’avaient jamais touché des outils numériques et qui vont tisser du lien avec de la famille, des amis qui sont éloignés géographiquement. Ailleurs, on voit des jeunes dans les zones rurales qui ont plus facilement accès à l’emploi. C’est très puissant pour autant qu’on fasse l’effort de médiation, d’accompagnement au changement. On arrive à se motiver tous les matins sur un sujet comme celui-ci.
Q – Alors quand vous rencontrez des responsables d’entités territoriales, des responsables politiques, des responsables administratifs, quels sont les conseils que vous leur donnez?
JD – Surtout celui-ci : engagez tous les guichets qui sont en lien avec ce public fragile. Posez-vous la question de savoir comment j’engage ces réseaux de première ligne qui peuvent être des associations, des bibliothèques, mais aussi tous les guichets publics dans lequel se rendent finalement tous les citoyens d’un territoire, guichets de la justice, de la santé, des mairies…
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